Confinement oblige, on retrouve le goût de prendre du temps pour réfléchir, écrire, transmettre. Je suis heureux en fait de pouvoir saisir cette triste opportunité pour vous proposer quelques nouvelles... nouvelles!
Sylvia était partie depuis une quinzaine. Une mission en Géorgie, pour son boulot.
Pierre avait ressenti assez cruellement cet éloignement. Leur histoire d’amour avait commencé trois mois auparavant et leur séparation, même temporaire, était difficile à supporter.
Heureusement, il y avait That’s-top pour rester en contact. SMS, photos, vidéos maintenaient le lien, autorisant même un semblant d’intimité. Seuls les appels, qu’ils soient téléphoniques ou en Visio-live, ne fonctionnaient pas pour d’obscures raisons ; le gouvernement géorgien, peu enclin à favoriser des émissions de données en temps réel, avait bloqué ces fonctionnalités. La « démocratie » avait en Géorgie des limites rapidement perceptibles.
Comment s’étaient-ils rencontrés ? Via internet, sur le site « une fille-un gars ». Pierre avait consigné sur le site ses propres « qualités » comme celles qu’il attendait d’une compagne. Sylvia avait fait de même, énonçant à peu de choses près les mêmes choix et préférences. « Une fille-un gars » avait rempli son office et les avait mis en relation. Du travail bien fait !
Ils avaient échangé et tout avait « matché ». L’amour, c’est ça, non ?
Depuis, ils s’étaient vus tous les jours, jusqu’à ce voyage en Géorgie. Ils avaient visionné des vieux films, parcouru ensemble des expos-3D à Paris et à Londres, concocté de bons petits plats grâce à Foodette…
Une trouvaille, ce site de recettes bio et originales qu’il suffisait de suivre pas à pas, avec tous les ingrédients livrés à la maison le lendemain de la commande ; on s’abonne, on choisit son plat et c’est parti. Convivial ! Marrant ! Sylvia et Pierre, cuisinant à tour de rôle, s’étaient ainsi découvert des affinités même en matière culinaire…
Le temps avait passé vite.
Mais depuis le mardi du départ et la petite vidéo prise par Sylvia à Roissy dans le lounge VIP d’Air-France, peu avant l’embarquement, Pierre était désorienté. D’abord, sur le selfie que Sylvia avait posté après l’atterrissage, il avait été surpris par des reflets auburn dans ses cheveux, elle qui était plutôt brune. Il avait mis cela sur le compte du flash. Le lendemain, même bizarrerie : sur la photo de sa chambre d’hôtel, le visage de Sylvia apparaissait dans un miroir, et elle semblait avoir sur le haut des joues de petites taches de rousseur. Un simple effet d’optique sans doute, mais troublant.
Ça ne lui allait pas mal, d’ailleurs, ce petit air de rouquine, songea-t-il.
Jour après jour, Pierre devinait de nouvelles et subtiles modifications chez Légère (il l’avait tout de suite surnommée ainsi après qu’ils aient vu et adoré « Breakfast at Tiffany’s »). Les taches de rousseur étaient finalement bien là, ses cheveux plus auburn encore qu’à l’aéroport, ses yeux semblaient s’être finement bridés … Sylvia était définitivement ravissante, mais différente de la Légère du début.
Un soir, il avait failli lui écrire un SMS pour lui dire son étonnement à ce sujet, mais s’était ravisé.
Elle va te prendre pour un mytho, oublie !!! Quand elle sera de retour, on en rira!...
Ghislaine ne cachait pas sa satisfaction. Son idée s’était avérée payante. Lorsqu’elle avait pris le poste de Directrice Marketing de « Une fille-un gars », elle avait rapidement plaidé pour une réorientation stratégique. Il fallait fidéliser les clients, jusque-là très versatiles, en leur « offrant » une compagne virtuelle (ou un compagnon) évolutive. « En scrutant les données fournies par nos clients, on doit pouvoir améliorer la proposition initiale, sans qu’ils s’en rendent compte bien sûr (ils doivent toujours avoir le sentiment qu’ils sont maitres de leurs choix), et pour leur plus grande satisfaction » avait-elle suggéré au Board. Projet retenu !! Et s’en étaient suivis 50% d’augmentation du taux de fidélisation et 7% de progression de la marge. Un carton !
Légère était revenu de Géorgie. Pierre et elle avaient pu reprendre leurs échanges quotidiens, sur la plateforme vidéo du site, comme avant. Pierre avait dit à Sylvia combien son maquillage à la Audrey Hepburn lui plaisait. Sylvia avait souri, puis avait posé à son intention un baiser sur l’écran…
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