vendredi 5 janvier 2024

La rouge gorge

 Pour débuter l'année, Ruy Blas a inspiré au Goéland une histoire de passion et de drame... 

« Fait beau » constate Joseph en ouvrant la baie vitrée de la véranda. Un soleil déjà haut (Joseph aime faire la grasse matinée) s’est installé et le vent est tombé, ce vent responsable de son mauvais sommeil durant une bonne partie de la nuit.

« Bon ! Profitons ! » décide-t-il en retournant à l’intérieur prendre une casquette, chausser ses lunettes de vue et se saisir de sa liseuse électronique.

Rien de tel qu’une bonne séance de lecture pour démarrer une journée étonnamment estivale pour ce mois de septembre déjà bien engagé. En ce moment, il est plongé dans les œuvres de Victor Hugo ; dans Ruy Blas plus précisément, qu’il n’avait pas relu et encore moins revu depuis une éternité (du temps de l’ORTF, de Claude Barma et de Jean Topart, l’incarnation même du méchant à la télé quand celle-ci était encore en noir et blanc…).

Sortir le transat rangé dans l’abri de jardin et le placer convenablement sur la terrasse est un préalable auquel Joseph accorde une importance toute particulière. Il aime à positionner le fauteuil de façon rigoureusement perpendiculaire aux lames de bois de la terrasse. Être ainsi orienté sud-ouest pour la lecture, c’est bien. Un tantinet maniaque, le Joseph, même s’il préfère se qualifier de perfectionniste.

Joseph est veuf. C’est en tout cas ainsi qu’il présente sa situation familiale, même si le décès de son épouse disparue il y a maintenant plus de cinq ans n’est pas encore formellement officialisé. 

Depuis « l’absence » de Laurence, Joseph a mis un point d’honneur à régler sa propre vie avec la plus absolue minutie, comme si l’attention portée à la moindre de ses activités le réconfortait.

En refusant l’inattendu, qu’il assimile depuis ces cinq dernières années à l’inacceptable, il s’affranchit de son état de « conjoint abandonné ». Avoir « perdu » son épouse, ça n’aurait jamais dû arriver s’il avait été plus ordonné, plus soucieux de « tout bien ranger ». Voilà sans doute ce que pense Joseph, au plus profond de lui…

« Les premiers mois, vous savez, il semblait totalement perdu, le pauvre ! Sa femme s’occupait presque de tout, c’en était même un peu choquant à vrai dire… » commentaient les voisins du couple auprès de ceux qui s’enquéraient de la santé mentale de Joseph, d’abord les policiers enquêtant sur l’inexplicable disparition de sa femme, puis les « proches » : le postier, le traiteur livreur de repas préparés, un vague cousin partenaire occasionnel pour des parties d’échecs…

Tous ont ensuite constaté son évolution, comprenant que ses nouvelles manies quasi protocolaires l’aidaient à combler l’absence, à meubler le vide ; ils ont progressivement cessé de s’inquiéter.

Joseph ajuste ses lunettes d’un doigt qui les pousse en haut de l’arête du nez, ouvre le rabat de sa liseuse ce qui a pour effet immédiat d’afficher à l’écran la page quittée la veille au soir :

 

… Oui, je vais tout lui dire.

Est-ce un crime ? Tant pis ! Quand le cœur se déchire,

Il faut bien laisser voir tout ce qu’on y cachait …

 

Joseph a soudain la sensation que quelque chose est venu troubler sa lecture, un intrus qui ne se trouve pourtant pas directement dans son champ de vision et qui n’a pas fait le moindre bruit perturbateur.

Cependant… 

Il pose son « livre », balaye d’un coup d’œil son jardin, de la gauche vers la droite, et là, il le voit !

Le rouge-gorge a probablement senti ce regard, car il lève aussitôt la tête, interrompant ainsi sa recherche de petits vers à picorer dans la terre humide. Il se fige un instant puis, dans un réflexe de défense, ouvre ses ailes et s’envole vers le feuillage protecteur d’un chêne tout proche.

Joseph ressent comme de la contrariété ; il aurait voulu ne pas déranger l’oiseau et cela le navre. Son propre trouble a… troublé l’animal et Joseph ne supporte pas tout ce qui ressemble à une rupture de l’ordre établi, cet ordre qu’il s’attache jour après jour à édifier, tout autour de lui.

Alors, il se résout à tout faire pour réparer cette erreur. Joseph a un caractère obstiné. Son penchant pour une organisation rigoureuse de sa vie peut, vous l’aurez compris, vite devenir obsessionnel ou, à tout le moins, maladivement méthodique.

Le lendemain matin, exactement à la même heure que la veille (il avait, hier comme chaque jour que Dieu fait, vérifié sur sa montre l’heure de son installation sur la terrasse), il dispose son transat strictement au même endroit, s’y installe, veille à reproduire les gestes d’hier à l’identique et… attend.

Joseph n’en doute pas : « il va venir ». L’oiseau ne vient pas ! Joseph est furieux ; pas envers le petit rouge-gorge ; non ! Il se reproche à lui-même de ne pas avoir su faire « ce qu’il fallait ». Il a sûrement, incontestablement, manqué de précision.

Le matin suivant, il décale dans le temps l’installation du fauteuil, d’une demi-minute grand maximum et modifie le positionnement dudit fauteuil d’un degré par rapport aux rainures de la terrasse, pas plus. Content de ces corrections mineures mais dont il espère pourtant qu’elles vont être déterminantes, il veille à nouveau. Rien. Joseph n’est pas du genre à renoncer. Il persiste et finit par être récompensé, au septième jour de sa quête. « Le voilà enfin, le piaf !!! ».

Il enregistre mentalement qu’il a procédé, depuis la première apparition du volatile, à un décalage total de deux minutes montre en main et de trois degrés et demi d’angle pour « réussir ».

Mais si l’oiseau est là, rien n’est encore fait. Joseph s’est persuadé qu’il doit l’apprivoiser et il ne sera satisfait que lorsque la petite bête viendra d’elle-même se poser sans crainte sur son épaule, pendant sa lecture de Ruy Blas : 

 

… Tous les jours je viens là, là, dans cette retraite,

T’écoutant, recueillant ce que tu dis, muette …

 

Comment domestiquer un (une ?) rouge-gorge : recherches sur Internet – guide ornithologique acheté à la FNAC – questions posées sur ChatGPT et sur les forums, tout y passe. Joseph, devenu un spécialiste en un rien de temps, est fin prêt lorsque l’oiseau montre le bout de son bec.

Le dispositif imaginé par Joseph est donc en place : des graines disséminées sur la pelouse vont ravir l’oiseau, Joseph en est certain ; et leur disposition (quatre graines et un ver de terre tous les mètres, depuis la zone où il estime avoir vu le rouge-gorge la toute première fois, en direction de la terrasse et plus précisément de son fauteuil) va inévitablement conduire la petite bête jusqu’à lui. 

Il faudra en fait plus de dix jours pour obtenir ce premier résultat. Joseph, nullement découragé par la lente progression du rouge-gorge vers le but ultime, c’est-à-dire son épaule droite, redouble au contraire d’efforts. Il s’attache à ne pas faire le moindre mouvement qui effrayerait l’oiseau dès qu’il s’assied. Pas facile et même assez malcommode mais bon, faut ce qu’il faut ! Il suffira qu’il bouquine en tenant sa liseuse d’une seule main, appuyé sur le bras droit de son fauteuil, ce qui, au passage, présente le mérite de rendre immobile son épaule parfaitement bien calée.

Ça paye ! Le mois d’octobre n’est pas encore achevé que, dans un dernier saut marqué par la confiance qui s’est installée entre Joseph et Maria (Joseph a décidé d’attribuer à l’oiseau simultanément le genre féminin et le prénom de la reine dans Ruy Blas), « la » rouge-gorge vient picorer une petite baie de myrtille placée délicatement par Joseph sur son épaule. Merveilleuse friandise, irrésistible, pense Joseph ; et il a raison.

« Gagné ! » Maria prend dès lors, chaque jour, sa place sur l’épaule de son ami humain, y grignote un peu mais, surtout, chante pour son compagnon sur un ton léger.

Joseph est conquis. Les deux êtres sont heureux de cette proximité quotidienne ; il arrive même que Joseph oublie de lire et se contente d’écouter le doux et pénétrant babil de Maria, les yeux fermés.

Un mois passe ainsi, très vite. La météo, étonnement favorable pour la saison, leur a épargné la pluie et le vent, comme pour refuser de perturber leur joli manège. 

 

Fin novembre, Joseph commence à s’inquiéter des frimas qui ne vont certainement plus tarder à s’imposer ; la planète se réchauffe, c’est indéniable, mais quand même. Comment protéger sa frêle amie des gelées de l’hiver approchant ? Ceci d’autant plus que Joseph ne se voit pas rester sans bouger dans son fauteuil de jardin jusqu’au printemps, dans le froid et même l’obscurité (les jours sont courts, en hiver).

Alors, rebelote : guides, internet, questions à la clinique vétérinaire du coin.

« C’est simple, Monsieur » lui déclare le véto avec un sourire où Joseph croit déceler une réelle sympathie. Deux amis des bêtes se racontent des histoires de bêtes…

« Le rouge-gorge n’a guère besoin d’autre chose en hiver que d’un abri et de quoi se nourrir pour survivre ».

« Un abri ? » demande Joseph. « Quel genre d’abri ? » croit-il même devoir préciser. 

« Eh bien, par exemple, un nichoir, posé en hauteur assez loin des arbustes ou feuillages qui permettraient à des prédateurs de s’en prendre à l’oiseau. Et n’oubliez pas de mettre à proximité une mangeoire avec des boules de graisse, des graines, ainsi qu’un abreuvoir dont vous changerez l’eau chaque jour ; il gèle parfois, même dans nos régions tempérées ».

« Il est bon, ce véto, clair et tout ! » se dit Joseph devant son établi, en train de confectionner une niche pour Maria. Après trois bonnes heures de menuiserie, il peut installer l’abri au sommet d’un poteau en bois, planté tout près de l’endroit où Joseph a vu Maria pour la première fois, à 2 mètres en hauteur, au centimètre près. Joseph a vérifié, avec la précision maniaque qui est la sienne. Allez vous faire voir, les chats !!!

C’est ainsi que de novembre à avril, la rouge-gorge est nourrie-logée, récompensant son « bienfaiteur » chaque fois que, le soleil osant se pointer, Joseph vient s’assoir sur sa terrasse.

Hop ! Un vol jusqu’à l’épaule, et c’est parti pour de ravissantes vocalises.

Il est heureux, Joseph. Plus qu’il ne l’a jamais été depuis bien longtemps !

 

C’est pendant cet hiver si particulier qu’il fait la connaissance de sa nouvelle voisine. Intriguée par le manège de Joseph et du rouge-gorge, elle n’a pu s’empêcher de l’interpeler par-dessus leur clôture mitoyenne :

« Bonjour Monsieur ! Pardon de vous déranger, mais c’est si curieux… vous semblez si… avec l’oiseau, je veux dire, c’est beau, vraiment ». 

Consciente d’avoir bredouillé des mots sans suite, elle se rattrape par un sourire. « Belle ! » juge Joseph qui décide de lui répondre : « oui, on s’apprécie bien, tous les deux, c’est vrai ! »

« Mais, je ne me suis pas présentée, pardon (deux fois qu’elle s’excuse sans raison, pense-t-elle). Je suis arrivée depuis une semaine seulement et… le déménagement, l’installation… pas encore pris le temps de sonner chez mes voisins… pardon (allez, ça recommence !). Maria ! Ravie de vous rencontrer ».

« Maria ? Ça, c’est drôle » marmonne pour lui-seul Joseph qui s’apprête à lui expliquer son air étonné. Mais, sans savoir vraiment pourquoi, il se retient et lâche seulement un « enchanté ! ». On verra, une autre fois peut-être, plus tard…

Les occasions se représentent. Maria étant moins présente, Joseph trouve agréable de papoter avec Maria, sa voisine, par-dessus le grillage. Il voit bien qu’elle recherche le contact et qu’elle n’est probablement pas indifférente à son charme de voisin gentiment… ténébreux.

Les jours passant, Joseph s’habitue à ces conversations qui les rapprochent et convient que son appréciation initiale de Maria est passé de « belle », un peu intimidante, à « jolie », plus abordable et sensuelle. 

La proximité adoucit inévitablement la perception. Il est séduit. D’autant plus que Maria respecte des horaires précis pour leurs échanges. Il la voit contourner son hortensia pour poser les mains sur le haut de la clôture chaque matin à 10 heures 24 pile poil. Il aime cette rigueur qui abolit l’incertitude, il lui en sait gré. A-t-elle su lire en lui cet attachement à la régularité ? C’est pour cela qu’il finit un matin par l’inviter à venir prendre un thé, chez lui. « Disons demain, à… 17 heures 14 ? Ça vous va ? »

Elle accepte, bien sûr, Maria… Joseph est heureux, et ce dès ce premier rendez-vous dont elle a scrupuleusement respecté l’horaire proposé…

L’hiver passe. Durant cette période, Joseph aperçoit parfois Maria se rapprocher de la clôture, près de l’hortensia pour déposer des graines à l’intention de Maria, et ça le touche. Elle est bien, cette fille ! 

Le printemps se pointe, avec son air qui recommence à vibrer de contentement et les couleurs renouvelées dont il pare le jardin de Joseph. L’idylle entre Maria et Joseph ne demande donc qu’à reprendre, de nouveau sur un rythme quotidien sans perturber pour autant la relation délicatement amoureuse des deux voisins (Joseph et Maria se sont avoué leurs sentiments le 05 février, dans le salon de Joseph, après avoir reposé leurs tasses d’Earl Grey sur la table basse pour pouvoir rapprocher leurs lèvres).

 

Nous sommes le 20 mars et il est 10 heures et 4 minutes très précisément, note Joseph : le jour du début du printemps, à l’heure exacte de leur première rencontre. Il pousse la baie vitrée de sa véranda pour sortir, va chercher son transat remisé pour l’hiver dans le cabanon en bois. « On n’est jamais trop précis » Joseph en a fait sa devise et ne regrette pas cette inclination personnelle puisque Maria, qui attendait elle-aussi ce moment, vient sans retard se poser sur son épaule droite dès qu’il s’est assis. Quel bonheur, cette communion que le beau temps magnifie !

Un bonheur, hélas, de courte durée…

Quelques jours plus tard, surpris de ne pas voir Maria venir lui chanter sa ritournelle, Joseph a cherché des yeux où pourrait être la rouge gorge et découvre horrifié le petit corps inerte de l’oiseau dans l’herbe, pas loin du grillage au-dessus duquel les voisins Maria et Joseph avaient fait connaissance.

 

La commissaire Aulmesse a dû gérer dans sa carrière un certain nombre de demandes étonnantes, mais elle doit bien s’avouer que là, ça dépasse de beaucoup ce qui lui a été donné de voir déjà ! L’homme qui attend, debout devant elle, bien droit, immobile et impassible, vient tout bonnement de lui demander d’enquêter sur la mort « suspecte » (ce sont ses propres mots) d’un rouge-gorge. Nilsi Aulmesse a du métier. Ce sont toutes ces années d’expérience qui lui ont permis de ne pas éclater de rire face à cette curieuse requête et à l’homme qui l’a énoncée. Elle s’est rendu compte qu’il ne s’agissait pas là d’une mauvaise farce de ses collaborateurs. Hypothèse idiote, d’ailleurs ; aucun de ses collaborateurs n’oserait lui faire une mauvaise farce ; pas même en rêve.

« Creusons… » se dit la policière, toujours ouverte à l’inattendu, au bizarre. « Et si ça débouchait sur quelque chose de vertigineux, allez savoir ! » Alors, elle arrête de lire la plainte qu’a rédigée l’homme et qu’il lui a tendue il y a un instant et le regarde, droit dans les yeux :

« Vous demandez, Monsieur… (elle replonge dans le formulaire pour être sûre) Lemaitre, de rechercher le meurtrier – c’est le terme employé dans votre plainte contre X – d’un rouge-gorge ? C’est bien ça ? »

« Oui, Madame ! »

« Commissaire ! Les gens, ici, m’appellent Commissaire, si ça ne vous ennuie pas ? »

 Nilsi aime bien mettre ses interlocuteurs un peu mal à l’aise, créer une situation de déséquilibre …

« Ça ne m’ennuie pas, Commissaire » corrige donc Joseph, sans paraitre s’émouvoir. 

« Impavide ! Bien ! » pense Nilsi, qui apprécie les hommes qui ne s’en laissent pas compter facilement.

« Racontez-moi, Monsieur » Joseph raconte : il a découvert le pauvre petit corps de Maria, hier matin, dans son jardin. La veille, elle était en pleine forme ; empoisonnée, voilà ce qui a dû lui arriver !

La Commissaire enregistre mentalement que ce curieux personnage a nommé l’oiseau Maria, qu’il a l’air sûr de ses déductions et qu’il n’en mesure pas l’étrangeté. Elle hésite un court instant puis, se fiant à son instinct de policier, elle se lance : « d’accord, Monsieur Lemaitre, d’accord. Je vais voir ce qu’on peut faire. On vous tient au courant ».

Joseph, paraissant satisfait de cet engagement, fait mine de partir puis se ravise : « euh, Commissaire, j’allais oublier, j’ai apporté le corps… pour l’autopsie ! » et il tend à Aulmesse une boîte métallique faisant office de cercueil. Il ouvre le couvercle ; Maria gît là, sur un matelas blanc fait de feuilles de Sopalin froissées.

« Merci ! » bredouille Nilsi, surprise, elle se l’avoue, par la situation, par le ton grave de l’homme et par la larme qu’elle voit rouler sur sa joue. Son visage au teint soudainement blanchâtre, hâve même, finit de la convaincre d’ajouter : « Je m’en occupe, c’est promis ! ». 

Le type sort. Ça laisse le temps à la Commissaire de reprendre ses esprits.

« Aulmesse, pourquoi as-tu dit ça ?! »

Nilsi part dans un rire sonore qui fige tous les officiers et officières de police présents dans le commissariat. Ils se retournent, médusés, vers leur chef. C’est qu’elle ne rigole pas trop souvent, la patronne…

 

Aulmesse a choisi de s’habiller bourgeoise versaillaise pour aller voir le médecin légiste. Elle aime à changer souvent d’apparence parce qu’elle s’est convaincue très tôt dans sa carrière de l’efficacité de ce stratagème. D’ailleurs, au sein du commissariat, personne ne peut se vanter de savoir comment la Commissaire est « en vrai ». Certains penchent pour une rouquine aux yeux verts, tout ça parce qu’elle a quelques taches de rousseur sur le nez, mais ça parait trop évident, à la limite du cliché. D’ailleurs, d’autres l’ont déjà vue en brune avec les yeux marrons ; alors ? Une teinture ? Des lentilles de contact ?

Les paris sont allés bon train, mais comme personne n’a osé demander à la commissaire de désigner un gagnant…

L’habit fait le moine… Demander au toubib de trouver les causes de la mort d’un rouge-gorge, ça ne peut passer que si elle est une femme « qui ne plaisante pas avec le travail et qui, attachée au respect d’autrui et aux convenances, ne fait jamais perdre son temps à personne ». Donc… tailleur pied de poule vert olive, cheveux bruns permanentés, escarpins à plateforme avec boucle, bourgeoise versaillaise, quoi !

Ça marche, mais pas sans combattre. Il faut quand même qu’elle sorte d’un air faussement distrait sa chaine en or au bout de laquelle pend une petite croix pour que le médecin, récemment affecté au commissariat de Versailles, encore jeune et plutôt bel homme selon les critères de Nilsi, se décide à ne plus poser de questions : « je vous appelle dès que j’ai fini, Commissaire ! »

 

Il rappelle. L’antique téléphone de bureau d’Aulmesse tressaille plus qu’il ne sonne ; un réglage destiné à éviter une cacophonie perpétuelle dans le vaste open space du commissariat. Nilsi appuie sur la touche carrée marquée d’un 3 (la ligne du médecin légiste) et prend le combiné : « oui, Docteur ? » Aulmesse apprécie l’usage des titres, que ce soit pour elle ou pour les autres.

« Meurtre caractérisé, Commissaire ! Je dirais même plus (le toubib est un fan de Tintin), peut-être même un assassinat »

La Commissaire s’étonne : « Madame Leillet ? Vous êtes bien sûr, cette fois ? » lance-t-elle en cherchant sur son bureau le dossier de la vieille femme retrouvée morte chez elle la semaine dernière. Le septième décès suspect en trois mois, mais sans qu’Aulmesse ait à ce jour pu obtenir le moindre indice d’un meurtre délibéré.

« Je ne vous parle pas de ça, Commissaire, mais du rouge gorge. Je crois me souvenir que vous m’aviez invité à faire vite ! »

Nilsi se recale ; elle avait déjà zappé mais sourit en accueillant la remarque ; avec de l’humour, en plus, le toubib, se dit-elle en notant sur un post-it « inviter Paul un soir pour un verre » avec trois petits points à suivre qui signifient « et on verra bien ». Paul, c’est son nom ; Jean … Paul.

« Je vous écoute, Docteur… »

« Le piaf est mort des suites de l’ingestion de petits morceaux d’avocat. S’en est déduit, lentement mais sûrement, une insuffisance respiratoire provoquant inéluctablement un arrêt cardiaque »

« Mais ça pourrait être l’oiseau qui ait mangé l’avocat tout seul, non ? »

« Pas là ; l’avocat était mélangé avec des petites boulettes de pain ; ça a fini par le tuer ; un assassinat je vous dis ! C’était prémédité, Commissaire… »

Aulmesse note, remercie le légiste et, juste avant de raccrocher, jetant un œil sur son post-it, décide de prendre le risque : « une gorgée de cognac, ça vous dirait ? »

Jean est d’abord surpris par le style de la question : abrupte, privée du moindre contexte pouvant la rendre compréhensible, c’est plutôt curieux. Puis il percute : « Mais oui, bien sûr ! Tintin au Tibet, le cognac, Haddock… » et, gloussant intérieurement, cite donc en retour :

« Du… du cognac ? Vous avez encore du Cognac, vous ? » Nilsi, satisfaite de la réponse, précise : « vendredi soir, chez moi ? »

« Vendredi, ça marche ! » Nilsi sourit intérieurement en se félicitant de son intuition : « Aulmesse, ma grande, pas d’erreur, ce garçon-là mérite que l’on creuse un peu plus avant ».

 

Joseph est en train d’ôter son blouson quand on sonne à sa porte. C’est Maria. Elle l’a vu arriver. Elle guettait ? Joseph s’interroge puis accepte son invitation à dîner parce qu’il a besoin de se changer les idées. La mort de Maria l’a profondément affecté et une soirée avec Maria, il l’espère, lui apportera un peu de réconfort. Pourtant, il est un peu gêné, Maria ne lui ayant pas donné d’heure précise pour ce soir.  Cette incertitude l’agace, et Maria devrait le savoir, bon sang ! Que croit-elle ? Qu’elle a maintenant suffisamment de prise sur lui pour s’autoriser des largesses avec son propre agenda ? Sans véritablement se l’avouer et encore moins l’expliquer, Joseph en veut à Maria de cet empressement à vouloir le consoler, le détourner du drame qu’il vient de vivre. Il aimait Maria, vraiment, et toute l’affection de substitution que semble lui proposer sa voisine ne parvient pas à l’apaiser. 

Maria a allumé un feu de cheminée, sûrement pour créer une ambiance « chaleureuse ». Mais ça ne marche pas… Joseph a bien noté que ça partait d’un bon sentiment, mais franchement, en cette fin Mars, avec une météo déjà estivale, un feu, c’est trop… chaud. Il s’éclipse poliment juste après le limoncello, remercie Maria en l’embrassant un peu furtivement et rentre chez lui. Tout en cherchant ses clefs, il se met à pleurer, sans contrôle… 

 

Une employée du commissariat a appelé. « Monsieur Lemaitre, vous pouvez passer aujourd’hui, s’il vous plait ; la Commissaire vous attend à 15h précises, rapport à votre plainte du… 26 Mars dernier »

Joseph apprécie la rapidité mais surtout la rigueur de l’institution policière ; 15h pile ! Il y sera.

Aulmesse invite Joseph à s’assoir. « Monsieur Lemaitre, je voulais d’abord vous rendre votre oiseau », elle a failli dire « votre amie », et lui tend le cercueil en fer blanc dans un geste respectueux qui l’étonne elle-même. Elle poursuit : « …puis vous confirmer vos doutes de vive voix. Votre rouge gorge a bien été empoisonné. Je suis désolée. »

« Mais qui ? Qui a pu faire ça ? » Joseph a dû se retenir pour ne pas crier sa question. Il est blanc comme un linge. Nilsi observe ce désarroi ; elle a pitié du bonhomme mais décide de n’en rien laisser paraitre. « Ça, Monsieur Lemaitre, seule une enquête plus approfondie pourrait peut-être nous aider à en savoir plus. Vous comprenez bien que nous n’avons pas que votre… (Nilsi hésite entre cas, histoire, affaire, etc., puis choisit le qualificatif qui lui semble le plus approprié) énigme à élucider. Mais je vous promets de passer chez vous prochainement, d’accord ? » 

« Qu’est-ce qui lui a pris de dire ça ? » Aulmesse se met une claque mentalement, puis se rassure en se disant que son instinct lui fait rarement défaut. « Allez, au pire, tu auras une histoire pas commune à raconter au beau médecin légiste, devant un bon verre de cognac ! »

 

L’enquête sur les vieilles dames a progressé. C’est d’abord l’autopsie de Mme Leillet qui a « parlé ». La pauvre femme a été étouffée avec son propre oreiller. Ça aurait pu passer inaperçu si le médecin légiste avait fait son boulot sans trop de vigilance, mais heureusement, il a creusé ; l’opportunité de plaire à la belle Commissaire l’a motivé, peut-être. Ils auront en tout cas un premier sujet de conversation, vendredi prochain, même si Jean espère bien qu’ils en trouveront vite d’autres de plus… plaisants.

Dans la foulée, grâce aux voisins de la victime, les policiers ont pu établir le portrait-robot d’une femme vue sortant de l’immeuble peu de temps après l’heure estimée du décès (le docteur a été assez fier de pouvoir fournir une fourchette plutôt restreinte). Après quelques enquêtes de voisinage, le portrait-robot a confirmé que chaque fois, cette mystérieuse femme avait été aperçue près du domicile de celles qu’on peut désormais qualifier de victimes. « Serial killeuse ! » Aulmesse se frotte les mains : « on va bien finir par te coincer, ma belle ! »

La Commissaire est un vrai bon flic ; une bosseuse qui ne laisse rien de côté ; donc, elle fouine. Chaque affaire est pour elle comme un puzzle géant dont il suffit de trouver les pièces pour les assembler ensuite, à coup sûr. En scrutant le visage dessiné de la meurtrière de vieilles dames, elle ne peut s’empêcher de penser qu’elle a déjà vu cette bobine quelque part. 

« Où ? Sais pas ! ». Mais ça lui reviendra ; elle en est certaine ; il suffit de laisser décanter en pensant à autre chose, comme à ce qu’elle va proposer vendredi au toubib après le cognac introductif…

 

À son retour du commissariat, avec la petite boîte contenant la dépouille de Maria sous son bras, la conviction de Joseph est faite. Il a pleuré tout le long du chemin, tout en ruminant sa sourde colère et en retournant le sujet dans tous les sens, jusqu’à ce que la lumière jaillisse ! Il connait l’assassin de Maria, il en est sûr à présent et il va faire ce qu’il doit. Il décide d’appeler Maria pour lui confier ses déductions personnelles et l’associer aux dispositions qu’il compte prendre à l’encontre du tueur de sa pauvre petite Maria. Elle comprendra, il en est absolument certain. Cette assurance le fait presque sourire, au moment où il compose le numéro de sa voisine pour l’inviter à venir entendre ce qu’il a à lui dire : « Maria, tu peux passer me voir, d’ici quatre minutes, si ça ne t’ennuie pas ? ». 

 

Nilsi Aulmesse aime bien l’atmosphère qui se dégage du pavillon en meulière de Joseph Lemaitre, comme de celle de tout le quartier d’ailleurs. Calme et discrétion. On trouve encore pas mal de rues comme celle-ci dans les hauteurs de Sèvres. Elles donnent le sentiment que rien ne peut se passer ici et que, dans le cas contraire, on n’en saura jamais rien. Les mystères derrière les façades, à l’abri des regards et les drames étouffés par les convenances petites-bourgeoises, voilà un magnifique terrain de jeu pour une investigatrice-curieuse-fouineuse-fureteuse comme Aulmesse. La montée de la rue Brancas à un bon rythme a essoufflé Nilsi ; elle inspire un grand bol d’air, libère sa tignasse blonde de la capuche qui la couvrait, s’éponge le front d’un revers de la main et sonne. La porte s’ouvre quasi instantanément, comme si le propriétaire des lieux l’attendait…

Apparemment pas surpris par les cheveux blonds, les lunettes noires et la tenue de jogging fluo d’Aulmesse, Joseph lance : « Je vous attendais, Commissaire ! » 

« Ben tiens ! » s’amuse Nilsi sans rien en laisser paraitre.

« Entrez, je vous en prie… »

Le bonhomme est calme, constate la Commissaire, plus serein en tout cas que lorsqu’elle l’a vu partir l’autre jour, abattu, transportant délicatement sa funeste petite boite. Sans même songer à l’inviter à s’assoir au salon, il lui indique le chemin vers le jardin : « Je vais vous montrer, Commissaire ! » Ils traversent le salon, puis la véranda. Au passage, Nilsi photographie mentalement les deux pièces et leur ameublement. Salon cossu – canapé Chesterfield brun à deux places, très classe – bibliothèque d’un gros lecteur sans doute (les bouquins ont servi et n’ont visiblement pas été choisis pour la déco). 

Sur la véranda, deux fauteuils en fer forgé, placé de part et d’autre d’une table basse, en fer forgé également mais avec un plateau en marqueterie représentant un bateau à voile près d’un phare, et posés dessus un service à thé en porcelaine - une théière, deux tasses et un pot à lait. Au centre de la table une magnifique boîte à musique - une cage à oiseaux dorée – un perchoir symbolisant une balançoire sur laquelle est perché un oiseau miniature dont le bec doit bouger, certainement, pour accompagner un sifflement produit par le mécanisme caché dans le socle. 

Joseph marche devant elle, un peu trop rapidement peut-être, songe Aulmesse, et ouvre la baie vitrée pour qu’ils sortent. Ensemble, ils marchent sur la pelouse parfaitement entretenue et tondue à ras (le gars est maniaque jusqu’à la perfection, note Nilsi) et s’arrêtent près d’un monticule de terre fraichement retournée. « Elle est là, Maria… » dit Joseph en accompagnant sa déclaration d’un vaste et cérémonieux geste du bras en direction de la… tombe.

Aulmesse ne peut qu’apprécier la scène : « cet homme est impassible comme j’ai rarement vu » remarque-t-elle, sachant ce que ce tertre recouvre et signifie pour Lemaitre.

D’une certaine manière, la Commissaire l’a parfaitement compris, Joseph a invité Nilsi à prendre une décision, sans rien lui cacher de sa détermination provocatrice.

« Courageux, le monsieur » juge Aulmesse avant de déclarer à Joseph : « Monsieur Lemaitre, je partage votre peine et je crains fort qu’on n’élucide jamais votre affaire. Je vous propose donc que nous en restions là et que Maria repose en paix. Qu’en dites-vous ? »

Un sourire fugace sur le visage de Joseph sera le seul indice de son soulagement, avant qu’il ne réponde à Aulmesse: « oui, je suis d’accord. Merci Commissaire ! »

Ils se serrent la main.  Nilsi remonte sa capuche, jette un œil à sa montre-cardio, tourne les talons et redescend vers la vallée en petites foulées, en direction de Versailles.

 

Avant d’aller voir Lemaitre, Nilsi avait fait sa petite enquête sur le bonhomme, où il vivait, de quoi, qui étaient ses proches et ses voisins. Elle était dans sa routine de bon policier. Et c’est ainsi qu’elle avait reconnu la fille du portrait-robot : une voisine de Joseph, Maria Salluste… 

Elle avait envoyé un de ses hommes chez la « sérieuse killeuse », comme elle se plaisait à la surnommer, mais personne n’avait répondu lorsque le lieutenant de police avait frappé à sa porte. De plus, les gens du quartier ne l’avaient pas vue depuis trois jours, alors qu’elle faisait habituellement son footing quotidien dans le parc tout proche. Aulmesse devina pourquoi ; sa huitième victime lui avait été fatale, finalement, et c’était très bien ainsi. Il ne lui resta plus qu’à confirmer tout ça grâce à une petite visite chez Joseph…

 

Le docteur Paul tourne d’un air songeur son cognac dans le grand verre que Nilsi lui a servi :

« C’est la taille du monticule qui t’a convaincu de la justesse de tes déductions, j’imagine ? »

Ils étaient passé au tutoiement dès que Jean avait franchi le seuil : « entre, je t’en prie ! »

« Même pas ! » répond Nilsi. « Non, il a suffi que je l’observe quand il m’a dit : elle est là, Maria…

Il n’y avait ni dans sa voix ni dans son regard la moindre tristesse. Alors, j’ai su. En plus, j’étais certaine qu’il donnerait à sa rouge gorge une sépulture bien plus belle et respectueuse qu’un simple tas de terre. En traversant son salon, j’ai vu sur une table basse un automate en forme de cage à oiseau dorée dont le socle m’a paru tout juste un peu trop volumineux pour les proportions par ailleurs harmonieuses de cette belle boîte à musique, mais assez haut pour contenir autre chose qu’un simple mécanisme »

« Et tu ne regrettes pas ton choix ? Après tout, il a peut-être par le passé aussi fait « disparaitre » sa femme, tu ne crois pas ? »

« Sais pas ! Ça m’étonnerait ; c’est un sentimental, et je pense qu’il a aimé sa femme comme plus tard Maria la rouge gorge. C’est Laurence qui a dû fuir l’univers trop, comment dirais-je, trop réglé, contraint, étouffant, de Joseph Lemaitre ». Aulmesse fait une pause, bouclant silencieusement l’image mentale d’un Joseph abandonné qu’elle vient d’ébaucher. Elle reprend : « Mais ce qui est sûr, c’est qu’il a débarrassé la société d’une tueuse redoutable ; ça mérite une légère… omission policière. Moi en tout cas, je vois les choses comme ça. Pas toi ? »

Jean baisse de nouveau les yeux sur son cognac. Moi ? Tu ne me demanderais pas un peu d’être ton complice, par hasard ?... Tu connais cette tirade dans Ruy Blas, ? Écoute ça :

 

Je suis honnête au fond. Cet amour m’a perdu

Je ne me défends pas ; je sais bien, j’aurais dû

Trouver quelque moyen. La faute est consommée !

C’est égal, voyez-vous, je vous ai bien aimé

  

Sans le savoir, Jean vient de faire un étrange raccourci le rapprochant, coïncidence évidemment involontaire, des lectures de Joseph Lemaitre à sa Maria adorée. Après tout, n’a-t-il pas trouvé, lui aussi, son hirondelle de printemps ? Jean plonge dans le regard de Nilsi pour trouver une réponse à son intime attente…

« Merci pour ton soutien, Jean, ça me touche, vraiment ! » avoue Nilsi avant d’enchainer : 

« Dis-moi si je me trompe, mais t’as pas parlé d’amour, là, tout de suite ? Ou c’était seulement pour citer du Victor Hugo ? … » 

Nilsi plonge à son tour dans le regard de Jean et sans attendre de lui une réponse, elle rejette en arrière, d’un gracieux mouvement de tête, ses longues boucles auburn et avec douceur, murmure : 

« Pose ton verre de cognac… »

 

10 h 54. Le soleil de Juin est déjà haut quand Joseph installe son transat à l’extérieur. Il plisse les yeux pour combattre les rayons lumineux qui réverbèrent sur la terrasse et pour bien visualiser les rainures marquant la séparation entre chacune des planches de teck, afin que le positionnement du fauteuil soit parfait. Une fois qu’il s’en est assuré, il s’y cale avec un contentement frisant la béatitude. Le jardin est splendide, se dit-il. Pas loin du fond, là où il avait aperçu Maria pour la première fois, on ne distingue presque plus, sous un gazon plus jeune et plus vert que celui du reste de la pelouse, une légère modification de planéité du sol. Joseph est un peu ennuyé par cette sorte d’inconvenance paysagère, mais se persuade que celle-ci disparaitra bientôt, la terre allant continuer à se tasser au fur et à mesure, et la couleur de l’herbe s’homogénéisant jour après jour sous l’effet de la pluie et du soleil.

Derrière Joseph, depuis la véranda, lui parviennent les babillements joyeux produits par la boîte à musique dont il a actionné le mécanisme juste avant de sortir. Joseph sourit. Il soulève le couvercle de sa liseuse qui quitte instantanément son mode Pause. Joseph peut dès lors reprendre sa lecture là où il l’avait abandonnée, il y a de nombreuses semaines déjà :

 

Permettez, ô mon Dieu, justice souveraine,

Que ce pauvre laquais bénisse cette reine,

Car elle a consolé mon cœur crucifié, 

Vivant, par son amour, mourant, par sa pitié !